Pour une célébration dans la
foi
Dans le contexte de la thématique pastorale sur la
reconstruction de notre diocèse dans le dialogue à la lumière de la foi et de
l’espérance et de celui des récents événements marquants de notre pays, la
célébration de la nativité de notre Seigneur Jésus nous invite à davantage de
méditation.
Comment entrer dans ces festivités avec les sentiments
d’insécurité et de précarité qui nous assaillent ? Quel sens donné alors à
la naissance du Messie en tant que Prince de la Paix ? Telles sont les
questions qui nous taraudent l’esprit et bousculent notre foi.
Un environnement
socio-sécuritaire précaire
L’environnement socio-sécuritaire de
notre pays ressemble davantage à un espace de désolation et de non-droit où le
peuple se sent abandonné et ne sait vers qui se tourner. La population est
plongée de jour en jour dans la précarité et une vulnérabilité inédite :
destruction criminelle des sites des déplacés et abris ravagés par des
incendies, population contrainte à l’errance et soumise à l’insécurité en
brousse, perte des ressources et des moyens de subsistance, braquages,
extorsions et pillages, entrave à la libre circulation des personnes et des
biens, viols et agressions sexuelles, misère grandissante, violation des droits
fondamentaux de l’homme, enlèvements, arrestations, mauvais traitements,
homicides, actes de torture 1 . C’est un drame
qui se déploie dans l’indifférence complète en dépit des bonnes intentions
affichées ça et là. Le destin des citoyens est laissé entre les mains des
semeurs de mort. Leur avenir parait compromis dans un pays dont 75% du
territoire sont contrôlés par des groupes armés, 1/5 de la population
« vit hors de chez lui et n’a pas l’opportunité de subvenir pleinement à
ses besoins ou de retrouver sa dignité » 2 , 64% des
habitants ont besoin d’une assistance humanitaire. Par ailleurs l’accès aux
soins de santé tout comme à l’éducation est devenu un luxe. C’est le constat de
notre impuissance devant un drame humanitaire qui se répand inexorablement.
Partout ce sont des cris de désespoir comme les lamentations et les plaintes
amères de l’inconsolable Rachel dans Rama (Jr 31, 15).
1 Amnesty International, République centrafricaine 2017/2018
2 Joseph Inganji, Chef du Bureau d’OCHA, dans Radio Ndeke Luka, OCHA et CCO dressent un rapport sombre de la situation humanitaire en RCA
2 Joseph Inganji, Chef du Bureau d’OCHA, dans Radio Ndeke Luka, OCHA et CCO dressent un rapport sombre de la situation humanitaire en RCA
Le mystère de l’incarnation
Ce contexte plutôt délétère de la
célébration de la nativité nous exhorte à mieux méditer le mystère de
l’incarnation de notre Seigneur. Jésus s’est en effet dépouillé par solidarité
de sa divinité. Il s’est fait l’un de nous en toute chose à l’exception du
péché. Il a pris chair de la Vierge Marie (Mt 1, 16 ; Ph 2, 6-8). Il a
connu le dénuement à sa naissance alors qu’il fut emmailloté et déposé dans une
mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour Marie et Joseph dans la salle
d’hôtes à Bethléem (Lc 2, 4-7). Face aux intentions macabres d’Hérode en vue de
conserver son pouvoir, Jésus a été soumis à l’exil tandis que Marie et Joseph
trouvaient refuge en Egypte (Mt 2, 13-15). Il a été rejeté (Jn 1, 10-11) et
incompris (Mc 3, 21) par les siens. Innocemment accusé (Mc 14, 1-2.53-65) et
trahi (Mc 14, 10-11.66-72), il a vécu l’humiliation (Mc 15, 16-20) jusqu’à la
mort infâme sur la croix (Mc 15, 21-24a.37). Toutefois l’incarnation de Jésus
ne peut être prise de manière isolée. Nous ne pouvons l’appréhender qu’à la
lumière de la résurrection. « On rejoint par là la pensée, si chère aux
Pères de l’Eglise, selon laquelle, dans le commencement de la création, le Fils
de Dieu s’est « habitué » à être avec les hommes (saint Irénée), afin
« d’habituer » le Père lui aussi à regarder le monde dans le Fils. Il
n’y a pas seulement une présence générale et statique du Verbe dans la nature
et dans l’histoire. Car il y a aussi un mouvement vers l’Incarnation et la
Croix qui achèvent l’œuvre divine » 3 .
3 Hans Urs von Balthasar, Je crois en un seul Dieu,
Editions Communio/Parole et Silence, Paris, 2012, p. 59.
L’identification de Dieu aux
hommes
Dans son dessein salvifique, le Seigneur
manifeste en son Fils unique sa bienveillance aux hommes qu’il a créés à son
image et à sa ressemblance et qu’il a établis maitres sur toute la création (Gn
1, 26-27). Dieu se révèle ainsi dans toute sa miséricorde paternelle. Dans
l’incarnation de Jésus, se réalisent en faveur de son peuple les promesses
naguère faites par Dieu à travers ses prophètes pour l’établissement du règne
de paix (Is 2, 1-5), le renouvellement de l’ordre nouveau et l’annonce de la
délivrance (Is 40, 1-9 ; 41, 1-20), la joie d’un bonheur sans fin (Is 48,
16-19) et de la libération (Is 48, 20-22), la protection des faibles et des
pauvres (Is 29, 15-24), la mise en place d’une communauté de frères (1 P 2,
17 ; 5, 9).
Par cette identification, tout homme peut dorénavant se reconnaitre en Dieu quelle que soit son histoire et se reconstruire en lui en dépit de l’expérience qu’il fait ou de la situation qu’il traverse. A cet égard, l’incarnation du Fils de Dieu devient pour toute l’humanité source d’espérance qui nous engage, par des choix courageux, à reconstruire notre monde à l’image de la création divine dont nous sommes tous garants.
Par cette identification, tout homme peut dorénavant se reconnaitre en Dieu quelle que soit son histoire et se reconstruire en lui en dépit de l’expérience qu’il fait ou de la situation qu’il traverse. A cet égard, l’incarnation du Fils de Dieu devient pour toute l’humanité source d’espérance qui nous engage, par des choix courageux, à reconstruire notre monde à l’image de la création divine dont nous sommes tous garants.
Dans cette perspective, nous sommes
exhortés à la suite de saint François d’Assise à renouveler notre paradigme en
opposant aux forces du mal des valeurs positives :
Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.
Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.
Là où il y a la haine, que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a le doute, que je mette la foi.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, que je ne cherche pas tant
A être consolé qu’à consoler
A être compris qu’à comprendre,
A être aimé qu’à aimer.
Car c’est en donnant qu’on reçoit,
C’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
C’est en pardonnant qu’on est pardonné,
C’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, que je ne cherche pas tant
A être consolé qu’à consoler
A être compris qu’à comprendre,
A être aimé qu’à aimer.
Car c’est en donnant qu’on reçoit,
C’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
C’est en pardonnant qu’on est pardonné,
C’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.
Chacun est appelé à prendre aujourd’hui en témoignage
et avec beaucoup de courage au nom de sa foi un engagement personnel dans un
environnement périlleux.
Jusqu’au bout de la cohérence
au nom de notre foi
Dans l’imitation du Verbe qui s’est dépouillé de sa
divinité en notre faveur, nous sommes tenus jusqu’au bout au devoir de
cohérence de notre foi. Célébrer aujourd’hui la nativité de notre Seigneur,
c’est accepter de le suivre sur le chemin de l’humilité, du don de soi, de
l’abnégation et de la sollicitude à l’endroit de nos frères et sœurs. Puisse la
célébration de la nativité en cette sainte année nous ouvrir davantage à
l’accueil de Dieu dans l’attention que nous portons à tout homme, créé à son
image et à sa ressemblance.
Fait
à Bossangoa, le 19 décembre 2018
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