A Pradines |
Avec une messe bien "ambiancée", entouré des membres de la communauté des Cartières et des pères SMA venu de Lyon, David a pu renouvelé son engagement dans la Fraternité.
David renouvelle son engagement |
Photo de famille Texte de l'engagement de David : |
Réengagement à la fraternité laïque missionnaire
David Roberts, les Cartières, Pâques 2022
Il y a trois ans, en 2019, je venais d’atterrir à Lomé lorsque
que j’ai reçu la nouvelle que mon père était tombé et s’était cassé l’épaule. Ma mère étant incapable de s’occuper de lui car elle-même souffre
d’une mobilité et d’une vision réduites, j’ai pris la douloureuse décision de
repartir sur-le-champ en Angleterre sans deviner que j’allais y rester pendant
toute la durée de la pandémie, pour soigner mes parents nonagénaires.
Deux versés bibliques m’ont guidé pendant ce long
cheminement insolite :
Jean
21 : 18 : « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu
étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ;
quand tu seras vieux [ou quand tu seras plus âgé !], tu étendras les mains, et
un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. »
1
Timotée 5 : 8 : « Si quelqu'un ne prend pas soin des siens, et en
particulier des membres de sa famille proche, il a renié la foi et il est pire
qu'un non-croyant. »
Il fallait une présence à la maison 24 heures sur 24 et la
mise en place de toute une équipe d’aide soignants, et c’était à moi de diriger
cette équipe et de travailler à côté d’elle.
C’était un apprentissage. J’ai appris que
le travail d’aide-soignant est implacable, intense, épuisant, mais à la fois invisible et peu valorisé par notre société. Notre
gouvernement en Angleterre les classe dans la catégorie des “unskilled workers”
(c’est-à-dire « ouvriers sans compétences »). C’est vrai qu’ils ne
sont pas pour la plupart diplômés, et ils n’ont reçu qu’un minimum de
formation, mais je peux témoigner que les aides-soignants que j’ai côtoyés ont
souvent de hautes compétences autant sur les plans pratique que social et que
ce sont des gens très inspirant. Deux
d’entre elles en particulier, Donna et Lizzie, sont devenues comme
des membres de notre famille.
Pendant cette même période, j’ai vécu de multiples
deuils. Même avant de quitter le Togo, j’avais perdu mes deux assistants de
recherche, Hénok et Emmanuel, avec qui j’avais travaillé pendant de longues
années ; puis une fois en Angleterre, j’ai perdu deux amis d’enfance, Huw
et Peter, puis ma tante Rosemary l’année passée et tout récemment mon
beau-frère Steven, sans parler de la mère de notre aide-soignant principal, trois piliers de notre communauté chrétienne locale, et deux voisins. Paix à leurs âmes.
Avec chaque décès, un écho m’est venu du pays kabiyè au
Togo, cette belle expression utilisée au moment d’offrir ses condoléances à une
famille endeuillée : « Ɛtɩɩɖɔŋ. Ɖa-tɩŋa, ɖɩkaɣ wobu. » Il
nous a devancé en attendant ; nous tous nous y irons. Cette
expression, à son tour, me rappelle ces fameuses bandes déssinées du moyen âge,
les danses macabres, qui représentent un défilé de caractères – princes et
pauvres, cardinaux et laïques, jeunes et vieux – tous menés par la Faucheuse en
dansant, vers le portail de la mort. Pour moi, ces oeuvres d’art n’ont rien de
morbide. C’est simplement un rappel que « Ɖa-tɩŋa, ɖɩkaɣ wobu ». Dans
plusieurs traditions monastiques – chrétienne et bouddhiste – les moines sont
encouragés à méditer sur la mort plusieurs fois par jour. C’est une
reconnaissance que personne d’entre nous n’échappera, donc qu’il
vaut mieux y faire face.
Pendant cette période, une prière m’a soutenu : « Seigneur, il y a un jour déjà fixe pour moi aussi
d’entrer dans l’éternité, et ce jour-là je veux être prêt ». Et dans
cette perspective, il faut que toute ma vie soit orientée vers le Christ ressuscité, qui a vaincu la mort, afin que je puisse
recevoir chaque moment qui m’est accordé comme un don de sa part et avec
reconnaissance.
Pour ceux qui ne le savent pas, sur le terrain en Afrique, je travaille en tant que
conseiller en linguistique et alphabétisation en collaboration avec SIL
International. Je réside dans le nord du Togo, mais de plus en plus je suis
appelé à intervenir dans d’autres pays – le Bénin, le Nigeria, la Côte
d’Ivoire, le Cameroun... Où que j’aille, je travaille en parallèle avec les
équipes de traduction de la Bible sur des questions d’orthographe. On peut faire
une traduction de haute qualité de la Bible en langue locale, si l’orthographe
est imprécise, elle sera illisible par la population.
Pendant ce temps en Angleterre, j’ai pu rester fidèle à
mon engagement en Afrique à distance par le biais de Zoom. J’ai travaillé sur la
rédaction d’un livre sur le développement des orthographes pour les
langues africaines, qui a été publié l’année passée. J’ai supervisé, et je supervise encore, les recherches de trois jeunes linguistes au Togo qui
travaillent sur l’élaboration
des orthographes pour les langues kusuntu,
moba et ifè. J’ai été également inscrit pour des
cours en ligne d’hébreu moderne en vue de faire un séjour de recherche sur
l’alphabétisation à l’Université de Tel Aviv en Israël ce que j’ai pu faire l’année passée.
En février, mon père a eu
encore un AVC et on s’est rendu compte que ce serait désormais impossible de
s’occuper de lui à domicile. Il est maintenant dans une maison à soins
infirmier à proximité de
chez nous, et on le rend
visite tous les jours. Il est en fin de vie... Ce changement de rythme fait que j’ai enfin plus de liberté pour me déplacer, et ma première priorité était de venir à Chaponost pour
renouveler mon engagement à la fraternité mais aussi mes liens d’amitiés en vue de repartir bientôt au Togo.
Se réengager à la fraternité, ça veut dire quoi pour moi
?
-
Un engagement en
tant que missionnaire en Afrique pour vivre côte à côte avec les plus
démunis ;
-
Un engagement en
tant que linguiste, en mettant mon métier au service de l’Église pour la
traduction de la Bible dans les langues locales en tant que ressource
indispensable pour une église en pleine croissance ;
-
Un engagement en
tant que chrétien envers le Seigneur qui me lance sans cesse ce défi « Suis-moi », avec sa promesse que « Je suis avec toi jusqu’à la fin ».
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