Libéria

Interview du père Eric AKA : smainternational.info et pour compléter une vidéo : 



En tant que prêtre missionnaire, l'un des éléments clés consiste à trouver une satisfaction dans le travail missionnaire confié à un malgré les défis quotidiens. Cela donne à un prêtre missionnaire quelque chose à quoi se tourner et à quoi aspirer. Récemment, j'ai interviewé le p. Eric Aka sur le même et voici ce qu'il avait à dire ...

Introduction

Je suis Eric AKA, membre de la Société des Missions Africaines. Je suis Ivoirien né dans une famille de 19 enfants dont 2 religieuses. Il va s’en dire que mon père était polygame.

Quand et où avez-vous été ordonné ?

J’ai été ordonné le 8 juillet 2000 en Côte d’Ivoire, à la paroisse St Joseph Epoux, à Abobo gare (Abidjan).

Où avez-vous fait votre première expérience missionnaire ?

J’ai fait ma première expérience missionnaire dans la paroisse Ste Famille (Holy Family Catholic Church) à Guffanti, Vicariat Apostolique de Kontagora, Niger State au Nigeria.

Quels ont été les défis à la fois positifs et négatifs auxquels vous avez été confrontés lors de la mission ?

En 2000, la paroisse de Guffanti était située dans une zone très rurale du Vicariat avec des habitants qui avaient pour activité principale l’agriculture. Elle était composée de 25 communautés villageoises avides de la foi chrétienne. Elles désiraient connaitre et appartenir à l’Eglise catholique car elles refusaient l’Islam. Cet engouement rendait propice la réception de la proposition de la foi catholique. En outre, les parents encourageaient leurs enfants à demander le baptême catholique même si eux ne pouvaient pas le recevoir compte tenu de leur situation matrimoniale. En effet, ils étaient majoritairement polygames. La volonté de nombreux jeunes de participer à l’animation de la vie paroissiale constituait un apport majeur dans la réalisation de la mission. A cela s’ajoute le dynamisme des femmes dans la propagation de la doctrine sociale de l’Eglise. Le désir de solidifier l’unité entre les chrétiens et de contribuer au développement de leurs villages constituaient aussi un défi positif.

L’absence des services publics de base, l’insuffisance des moyens financiers, l’analphabétisme, l’insuffisance du nombre de catéchistes et de prêtres et l’état défectueux des pistes étaient les grandes difficultés de cette mission.


Qu’est-ce qui vous a poussé à continuer malgré les défis ?

Ma foi en Jésus me permet de rejoindre les personnes dans leur désir quotidien d’améliorer leur condition de vie. Dieu, à travers Jésus, nous rejoint pour faire route avec nous. Cette présence me permet de faire face aux difficultés en cherchant des solutions. C’est justement les difficultés rencontrées dans cette mission qui m’ont emmené à faire un Master en Ingénierie de Développement Local et en Projet de Coopération.

L’autre raison qui m’a poussé à continuer est mon grand désir de faire connaitre la richesse que représente Jésus pour l’humanité. A cela s’ajoute le sens de la responsabilité. L’évêque m’a confié cette mission. Je suis au service d’une population désireuse. Je ne vais pas abandonner cette responsabilité à la moindre difficulté.


Où êtes-vous actuellement en mission ?

Présentement, je suis en mission dans le Comté de Lofa, au Libéria. Certes je réside à la paroisse St John Vianney à Foya mais j’ai la responsabilité des communautés catholiques de tout le comté de Lofa.

Quelle est la différence entre ce que vous faites maintenant et ce que vous avez fait précédemment ?

Le Libéria est un pays qui a connu 14 ans de guerre civile et en 2014 la grande épidémie Ebola. Cela laisse des traces dans les mentalités et les attitudes. L’approche dans la proposition de la foi catholique n’est pas pareille que celle faite quand j’étais au Nigéria ; les circonstances n’étant pas les mêmes.

Le Libéria est un pays en reconstruction tant en infrastructures qu’en ressource humaine. L’Eglise catholique accompagne l’Etat dans cette reconstruction. A mon niveau, je suis très investi dans l’appui aux dynamiques locales.




Quels défis rencontrez-vous dans votre nouvelle mission ?

Le Comté de Lofa est le deuxième au plan géographique et le troisième au nombre d’habitants. Il compte 5 paroisses éparpillées de part et d’autre du Comté. Je suis à 4h de route de la plus éloignée. Je suis le seul prêtre à servir toutes ces paroisses qui ont, elles aussi, des communautés catholiques répandues dans les villages. Je suis assisté dans ma tâche par des catéchistes, un diacre SMA, 4 religieuses et une laïque missionnaire. Depuis Novembre 2018, j’ai été rejoint par un prêtre de la province d’Italie pour une expérience d’un an. Tout ceci pour décrire le manque énorme de personnel tant au niveau des catéchistes, des religieuses, des laïques missionnaires qu’au niveau des prêtres.

Ensuite l’accompagnement de la volonté des populations à s’impliquer davantage dans le développement de leur cadre de vie et de participer dans les instances de décision représente un des défis majeurs à relever. Avant les périodes troubles qu’a connues le Libéria, le Comté de Lofa était considéré comme le grenier du pays. Actuellement un effort est fait par les habitants pour redorer ce blason. Toutefois leur seule volonté ne suffit pas. Ils ont besoin d’appui financier et technique. La réponse à ce besoin constitue un défi. Le manque de personnel qualifié dans différents domaines est un obstacle au développement du Comté. Il y a nécessité de former les jeunes et même les adultes.

Enfin, je suis confronté à l’épineux problème de moyen financier. En effet, la population de Lofa est majoritairement agricole à faible revenu. Je dépends entièrement de l’aide extérieure. Par conséquent il se pose le défi d’autonomisation financière des différentes paroisses de Lofa. Un dispositif est mis en place à Foya en vue de relever ce défi.


Quelles sont les attentes des entités d’envoi et de réception concernant votre mission actuelle ?

Une des attentes des entités concernant la mission actuelle est le renforcement de notre présence SMA dans cette partie du Libéria afin que cette aventure ne repose pas sur moi seul.

Comparé à votre mission précédente, trouvez-vous satisfaction et accomplissement dans ce que vous faites ?

Dans ma mission actuelle je serai satisfait et accompli lorsqu’il y aura une équipe de prêtres SMA à Lofa. La SMA à travers ses Conseils pléniers a fait du Libéria une priorité. Je suis reconnaissant envers les entités qui envoient certains de leurs membres au Libéria. Il en faut d’avantage.

Pensez-vous que la SMA et sa mission sont toujours d’actualité ?

La SMA s’est donnée comme mission la première l’évangélisation de l’Afrique et des peuples d’origine africaine. Le pape St Jean Paul II disait qu’il n’y a pas d’évangélisation sans développement intégral de l’Homme. Pour répondre à la question de la pertinence de la SMA et de sa mission aujourd’hui, nous devrons avoir comme indicateur le développement intégral des habitants des pays où nous sommes présents en Afrique. Force est de constater que nous sommes loin en dessous de cet indicateur. Tant que la SMA ne l’a pas atteint sa mission reste d’actualité. Elle peut appuyer les diocèses africains dans l’accomplissement de cette mission.

En outre elle peut proposer son expertise aux Eglises d’Europe et d’Amérique dans le cadre de la nouvelle évangélisation de ces continents. Elle peut aider ces Eglises à mieux répondre à la présence africaine en leur sein.


Alors que la SMA se prépare à l’Assemblée générale, que souhaiteriez-vous voir se produire dans la SMA en général ?

Je souhaite voir une plus grande solidarité dans la SMA tant au niveau financier qu’au niveau des ressources humaines. Que tous se sentent membres d’une même famille et que certains arrêtent de tirer les ficelles vers leurs seuls intérêts au détriment de l’ensemble.

                                                                                                                                    par Dominic Wabwireh, SMA

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